Les ateliers du territoire ferment, un vaste chantier s’ouvre

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Le 28 octobre dernier – jour de la fin du monde selon le calendrier Maya – avait lieu à Namur la cérémonie de clôture des Ateliers du territoire. L’assistance venue en nombre a pu prendre place dans le Parlement wallon – fait suffisamment rare pour être souligné et salué! Une localisation de choix destinée à mettre en évidence l’aspect participatif de la campagne « Ateliers du territoire ». Le Ministre Henry et l’Administration régionale voulaient que cet événement soit vécu comme un moment charnière : prenons-les au mot et allons examiner de près le témoignage des Wallonnes et des Wallons, pour faire état de la récolte d’informations et annoncer les bonnes pratiques à mettre en route face aux défis du 21e siècle.

Rappelez-vous d’abord que le projet « Ateliers du territoire » se divise en deux volets menés en parallèle : une enquête via le site Internet éponyme, et des rencontres locales. Le bureau TRAME et l’Institut de conseil et d’études en développement durable (ICEDD) ont reçu la mission de coordonner ces deux aspects de la campagne. Le canevas de base est la plaquette du Ministre Henry, Lignes de force pour l’aménagement du territoire, directement concernée par l’un des objectifs des ateliers du territoire :

 Sensibiliser le grand public aux défis du 21ème siècle, à leurs conséquences en termes de gestion du territoire et à l’impact des comportements individuels

 Renforcer le lien entre l’autorité publique et la population

 Aider l’autorité publique à prendre les mesures les plus appropriées, pour répondre aux défis

 

Faire évoluer les « Lignes de forces de l’aménagement du territoire »

 Réorienter la philosophie de la législation (CWATUPE)

 Identifier des mesures à mettre en ½uvre, dans le cadre de l’actualisation du Schéma de développement de l’espace régional (SDER)

Une nIEWs parue en septembre 2011 présentait le processus avec des réserves, liées essentiellement à la méthode et aux présupposés qui entachaient selon nous la démarche. En tant que Fédération d’associations regroupant des personnes de la société civile, chargée officiellement entre autres d’informer et de susciter la réflexion des membres des Commissions communales d’aménagement du territoire, IEW refuse d’accepter que l’on prenne comme base de travail l’ignorance présumée des citoyens par rapport à des enjeux d’aménagement du territoire et d’environnement. Nous insistons au contraire pour que la parole des citoyens et leurs démarches déjà en cours soient prises au sérieux. Elles forment un vivier d’exemples qui aideront à orienter la sensibilisation en direction des décideurs, de façon à ce que l’opérationnel suive. Ce n’est pas pour rien que nous sommes un organe de lobby!!!

L’enquête

L’enquête elle-même comportait en fait deux branches, selon que vous y répondiez en tant que « citoyen », ou en tant que « professionnel, mandataire ou association ». Elle a livré près d’un millier de questionnaires informatiques à dépouiller, qui se répartissent comme suit : 741 particuliers (± 78 %), 35 mandataires (± 4 %), 37 associations (± 4 %) et 137 professionnels de l’urbanisme (± 14 %).

L’analyse des résultats de l’enquête a donné lieu à une synthèse présentée lors de la clôture du 28 octobre 2011. Cette synthèse courte, nous la trouvons fortement biaisée dans son interprétation des réponses reçues, nous lui préférons le rapport complet, document extrêmement lisible où tableaux statistiques et analyses écrites reconstituent petit à petit la réalité des répondants et leur perception vis à vis des questions posées; l’enquête occupe les pages 7 à 32 de ce document.

Les ateliers près de chez vous

Les ateliers décentralisés ont déplacé deux cent cinquante personnes, dont les discussions ont été transcrites sur cent cinquante pages! Lors de la cérémonie de clôture, des porte-parole des Maisons de l’urbanisme et des citoyens ordinaires choisis entre leurs pairs sont montés à la barre pour résumer la teneur des débats et mettre en exergue les demandes locales. Même si vous n’étiez pas au Parlement en cet après-midi du 28 octobre, vous pouvez imaginer le trac des intervenants. Quant à la teneur de leurs discours, elle ne fait malheureusement pas partie des textes publiés sur le site de la campagne. Rassurez-vous, il y a une justice en ce bas monde – les discours des rapporteurs institutionnels ne s’y trouvent pas non plus.

Le thème récurrent de ces retours : l’indifférence avec laquelle le monde rural est traité dans les « Lignes de force ». Nous souscrivons à cette analyse. L’opposition classique « ville-campagne » n’a plus de sens dans une Wallonie rurbanisée, et depuis quarante ans ce cliché ne fait que desservir à la fois le monde rural et le centre des villes : l’un disparaît, l’autre se détruit. L’entre-deux a pris une importance qu’il faudra documenter de manière beaucoup plus précise, variable et nuancée dans les prochaines « Lignes de force ». La seule maison de l’urbanisme à n’avoir pas mentionné le monde rural dans son rapport oral, Liège, en parle abondamment dans le compte-rendu intégral de ses deux ateliers.

Le vaste chantier qui s’ouvre

Au-delà des congratulations sur les qualités de cet exercice de collecte rondement mené, cela vaut la peine de se pencher sur ce que disent nos concitoyens quand ils se retrouvent ensemble le soir pour parler d’aménagement du territoire. Je ne résiste pas au plaisir de vous partager quelques découvertes très intéressantes.

 dans le compte-rendu du « groupe citoyen développement durable » des facultés Notre-dame de la Paix à Namur :
« Bassin de vie : une fausse bonne idée ?
(page 3)

Nous soutenons la volonté d’avoir une réflexion à une échelle plus globale dépassant les territoires communaux en fonction des projets ou des thématiques abordées.
Cette réflexion doit porter sur les coopérations entre communes, les enjeux supra-­‐communaux (mobilité, contrat de rivière, développement d’infrastructures, développement économique, articulation entre ville, périphérie et campagne ….).

Cependant, la notion de bassin de vie est fortement remise en cause [par le groupe de travail]. Sa définition apparaît comme intuitive et ne peut donc servir de base pour un texte de loi ou une politique. Elle apparaît aussi comme un concept idéologique. Pour les populations précarisées, le bassin de vie est étroit, pour les classes moyennes, il est plus important, c’est de celui-­‐là dont on parle actuellement dans le référentiel et pour les hyper-­‐mobiles, ils sont un peu hors-champ.
Il y a donc une crainte qu’on impose une politique d’aménagement du territoire à tout le monde mais sur base d’un mode de fonctionnement typique des classes moyennes d’aujourd’hui.
 »

 dans le compte-rendu de l’atelier 2 animé par la maison de l’Urbanisme du Brabant-Wallon :
« (Option : dynamiser les centres commerciaux des noyaux d’habitat)
(page 10)

Les mots « centres commerciaux » doivent être définis. Le groupe comprend cette expression comme désignant un centre ville avec ses commerces et non pas un shopping center. Oui à la dynamisation des centres commerciaux des noyaux d’habitat en insistant sur la mixité de tous leurs services. » (…) « une gestion proportionnée des commerces au sein des noyaux d’habitat, en tenant compte du jeu de la concurrence. »

 dans l’avis rédigé par les citoyens réunis à la maison de l’Urbanisme Famenne-Ardenne :
« Les propositions nous paraissent cibler trop l’économique et l’urbain.
(page 3)

Il nous semble que l’urbanisme doit s’ouvrir aux autres matières connexes de la vie quotidienne dans des démarches transversales. La dimension sociale et les impacts pour les personnes les plus défavorisées de notre société (les personnes les plus pauvres, sans qualification, sans voiture) ne sont pas suffisamment pris en compte.
Les aspects environnementaux manquent trop souvent.

La mobilité en zone rurale telle que définie dans le référentiel nous semble compromise, notamment par les enjeux économiques de rentabilité.

Il est nécessaire de différencier les enjeux : urbains (petites, moyennes, grandes villes), périurbains (aussi selon la taille des villes) et ruraux. Nous souhaitons insister sur le fait que la ruralité est intimement liée à une bonne gestion environnementale, passant par la gestion des paysages ruraux en lien avec la charte européenne du paysage (Florence 2000).

Des tas d’enjeux ne sont pas repris [dans le référentiel] (…) : les écoles, les services publics ou privés tels les hôpitaux et les crèches, le troisième et le quatrième âge, la mobilité réduite, les énergies, le tourisme rural. »

Ne manquez pas l’occasion d’aller lire les textes, dont chaque mot a été pesé et mesuré. Qui sait? Ils vous donneront peut-être des idées pour des initiatives citoyennes. Les personnes qui y ont participé seront heureuses de se savoir lues… et comprises!

Starting blocks

Reste à souhaiter que ces prises de parole soient à présent écoutées, pour qu’elles aboutissent réellement à une réécriture des « Lignes de Force ». Ces multiples témoignages ouvrent la voie à l’identification des zones encore dans l’ombre, c’est à dire des matières au sujet desquelles il reste vraiment indispensable de sensibiliser le public.

Dans un même mouvement, souhaitons que ces ateliers du territoire servent de starting block pour une opérationnalisation de démarches de parcimonie adaptées aux différents faciès de notre région. Il ne faudrait pas que ce soit, comme beaucoup le craignent, le territoire qui s’adapte. Il l’a déjà fait par le passé, ce qui le rend tristement banal ou banalement triste en de nombreux endroits. Plus de respect et un vrai souci de la localisation, une gestion de la cartographie qui vise l’excellence et non la géométrie, voilà quelques unes des bonnes résolutions que la phase opérationnelle pourrait adopter.

Du brut de décoffrage

Les Ateliers du territoire ont invité les associations à produire un texte d’avis dont elles étaient libres de choisir la forme et le contenu. Dix associations ont fourni une contribution. Chacune est reproduite fidèlement sur le site.

La contribution de la Fédération Inter-Environnement Wallonie est très courte et brute de décoffrage. Nous avons tenté d’encapsuler en quelques paragraphes les préoccupations de nos associations, notamment celles qu’elles ont exprimées, avec une bonne pointe d’amertume, tout au long de la campagne de consultation. Nous avons visé le concret et choisi de nous en tenir aux principaux paramètres du référentiel : distances critiques pour des déplacements à pied, état du bâti et du paysage, dangers d’une densification aveugle, haro sur les chancres commerciaux.