Low-cost aérien : les puces sauteuses

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La société low-cost Jet4you vient d’être « victime » d’une campagne promotionnelle gratuite pour le lancement de ses liaisons Belgique-Maroc. En quatre jours (du 26 au 30 octobre), le nombre de billets vendus est passé de 116 à 500 par jour. Ceci n’est bien évidemment qu’un aspect « collatéral » d’une saga qui a fait les titres de la presse durant une bonne quinzaine.

La société low-cost marocaine Jet4you comptait relier Gosselies (dites Brussels South Charleroi Airport, ça fait mieux) à Casablanca en faisant escale à Bierset (dites Liège Airport : plus sobre, mais tout aussi distingué). La sombre manœuvre a été dénoncée dans une carte blanche parue le 18 octobre (http://pierreozer.blog4ever.com/blog/index-45705.html). Beaucoup de citoyens s’en sont émus. C’est vrai que prendre un 737-400 pour parcourir 80 km, c’est vraiment « too much ». Le monde politique a suivi le mouvement. Et le ministre Antoine, en charge des aéroports, a pris un arrêté visant à interdire ce « saut de puce », invoquant « l’intérêt général blessé » et « une question de cohérence et de crédibilité ». Les passagers voulant embarquer à Liège se sont donc vus offrir, ce premier novembre, jour du premier vol, un trajet en autocar payé par le contribuable wallon (jusque Gosselies, pas jusque Casablanca !). Le patron de la low cost, au lieu de remercier la providence pour ce coup de projecteur, s’est fâché et va tenter de faire casser l’arrêté. Il sera sans nul doute aidé par José Happart (président de la Société d’exploitation de Bierset), furieux de louper l’incroyable pactole : 1000 euros de taxes par vol. Mais aussi et surtout une extension diurne de son aéroport de nuit (pour ceux qui le ne savent pas, l’aéroport de nuit est, avec le boulet au sirop de pommes, une spécialité liégeoise).

En portant le débat d’abord au niveau fédéral, puis au niveau européen, le Ministre Antoine a peut-être lancé un beau pavé dans la mare. En effet, s’il est convenu de manière quasi unanime de qualifier de « saut de puce » un vol de 80 km, qu’en est-il d’un vol de 150, 400, 800, 1500 km ? Quand la puce devient-elle un avion ? Au-dessus de quelle distance son saut devient-il une liaison aérienne pertinente ? Et, au-delà de cette question, l’intérêt général n’est-il pas d’office blessé par des vols visant, à l’heure du réchauffement climatique et du pic pétrolier, à satisfaire des appétits d’exotisme bon marché ou des pratiques à but franchement (et excusivement) lucratif ?

A titre d’exercice pratique, attachons-nous sur les performances au saut en longueur des puces (pardon, des low-costs) qui fréquentent l’aéroport de Gosselies. Sur les 25 destinations proposées (http://www.charleroi-airport.com), 7 se trouvent à moins de 800 km de l’aéroport Carolo. 14 à moins de 1000 km. 21 à moins de 1500 km. Et une seule, la nouvelle venue Casablanca, à plus de 2000 km (2100 environ). On voit donc qu’une interdiction généralisée des sauts de puces aériens pourrait, en fonction de la définition donnée à l’expression, conduire à … (osons aborder le tabou !) la fermeture de l’aéroport. Voire la mise en faillite des sociétés low-cost. Aberrations, direz-vous ? C’est vrai que ce sont peut-être là des élucubrations d’environnementaliste borné. Il est certainement plus raisonnable, plus correct d’être contraint à de telles extrémités par les conséquences climatiques de nos actes ou par le renchérissement du prix du baril associé à l’imminent pic pétrolier…