Mettet : bruit du circuit, silence du bourgmestre

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Le 21 août dernier, la commune de Mettet invitait ses concitoyens à prendre connaissance des résultats de l’étude acoustique réalisée par la société Modyva. Cette étude a analysé l’impact acoustique des activités organisées par le circuit local de motos Jules Tacheny sur son voisinage. Elle devait proposer des solutions en cas de non-respect des limites de bruit fixées dans le permis d’environnement du circuit.

Contactés par des riverains, nous nous sommes rendus à cette rencontre. Au départ, seuls les résultats de l’étude nous intéressaient. La question était simple/ y-avait-il ou non dépassement des normes de bruit? De fait, même si les riverains se disent gênés par le bruit du circuit et même si nous pensons qu’il est primordial de trouver des solutions à la gêne ressentie, tant qu’il n’y a pas dépassement des limites fixées par le permis, il y a peu de choses possibles à mettre en œuvre sur le plan légal.

La gêne liée au bruit est par ailleurs très subjective. Le bruit des autres nous dérange plus que le nôtre. Si les cris des enfants le dimanche après-midi peuvent mettre en joie, certains concerts en plein air ont le don d’énerver quand ils se jouent le dimanche soir par exemple.

Bref, la gêne dûe au bruit est relative et dépend notamment de la perception que nous en avons.

Re-bref, à peine un quart d’heure après le début annoncé de la réunion, l’intérêt s’est déplacé des résultats de l’étude à la dynamique relationnelle qui s’était mise en place entre les différentes parties : le ban du circuit, celui des riverains et le Bourgmestre.

Pour illustrer cette dynamique, rien de tel qu’un petit compte-rendu à la minute.

 18h50 : Devant les portes de l’hôtel communal, une quinzaine de personnes patientent en deux groupes. Les riverains d’un côté, les représentants du circuit de l’autre. D’un groupe à l’autre, des « saluts » et des « ça va ? » sont lancés, de même que quelques sourires polis. Ambiance détendue, sans pour autant être conviviale, puisque les deux groupes ne se mélangent pas.

 19h00 : Nous sommes un peu plus nombreux. Quelques-uns vont vérifier que nous ne sommes pas une vingtaine d’idiots qui attendons face à des portes ouvertes. Ils vont donc actionner les clenches des portes, qui restent effectivement fermées.

 19h05 : Nous relisons l’invitation, à savoir les deux dernières phrases de l’édito du Bourgmestre dans le dernier bulletin communal. Oui, c’est bien à 19h que le rendez-vous était fixé.

 19h10 : Une voiture arrive sur le parking. Le brouhaha ambiant se transforme en un « ahhhh » de soulagement après l’incertitude de l’attente. Monsieur le Bourgmestre est arrivé, il ouvre les portes.

 19h18 : Le représentant de Modyva entame la présentation de l’étude acoustique et de ses résultats.

Que s’est-il passé entre 19h10 et 19h18 ?

Les riverains se sont installés à l’avant de la salle, les représentants du circuit à l’arrière. Le représentant de Modyva a connecté son ordinateur au projecteur. Ensuite quelqu’un a proposé que tout le monde se rapproche de l’écran et nous nous sommes emparés de nos chaises pour avancer de trois mètres. Enfin, l’acousticien s’est lancé dans sa présentation. C’est tout.

Pas un mot d’introduction de la part du Bourgmestre, pas un mot d’excuse pour le retard, pas d’informations sur l’ordre du jour de la réunion, pas de présentation de l’acousticien, pas de mise en contexte de l’étude. Tous ces ingrédients nécessaires au bon déroulement d’une réunion et qui permettent de clarifier, pour tous les participants, l’objet de la rencontre, d’identifier la personne qui se porte garante de son bon déroulement, de savoir ce qu’il va se passer et comment cela va se dérouler.

Était-ce là une façon pour le Bourgmestre d’exprimer son mécontentement d’avoir dû consentir à la réalisation de cette étude de mesure de bruit ?

 19h39 : fin de la présentation, claire et concise de la part du représentant de Modyva qui nous invite alors à poser nos questions. Pas de reprise de l’animation par le Bourgmestre ou par une personne qu’il y aurait déléguée.

La façon dont, face aux discussions qui s’engagent, le Bourgmestre se tait et laisse aller les choses, peut être interprétée comme un déni des nuisances sonores vécues par les riverains. Le déni, à long terme, peut mener vers trois voies : colère, rage ou dépression.
Le débat commence, entouré du silence du Bourgmestre qui a la chance – ou peut-être la malchance, parce que l’on envisage sérieusement qu’il ait eu envie que les riverains sortent de leurs gonds et en viennent aux mots sinon, aux mains – d’avoir dans la salle des êtres humains polis. Même s’ils ont du mal à contenir leur frustration, leur colère et leur indignation, ils y parviennent.

Et pourtant, qu’y-a-t-il de plus enrageant qu’ajouter de la non-reconnaissance à une frustration déjà présente depuis plusieurs années ? Ces riverains qui se plaignent du bruit émis par le circuit, n’en demandent pas la fermeture. Ils ne demandent pas non plus que le circuit réduise son activité. Ils demandent simplement que les normes de bruit soient respectées. Soit, 55db pour les activités régulières et 60db pour les sept courses annuelles ; rien de plus que les modalités reprises au permis. Quant aux gestionnaires et utilisateurs du circuit, ils ne demandent pas de pouvoir faire plus de bruit mais de pouvoir continuer leur activité. Et sans doute, mais nous ne l’avons pas entendu l’exprimer, d’éviter les dépenses au-dessus de leurs moyens et être certains que celles qu’ils feront seront utiles et définitives.

Comme les modalités d’intervention de chacun ne sont pas cadrées, que les objectifs de la rencontre n’ont pas été précisés, chacun se retrouve frustré par rapport à ses attentes et ses croyances ! Faut-il s‘étonner, dès lors, que la discussion se tende lorsque les riverains demandent, de façon quelque peu abrupte, à une personne du circuit qui prenait la parole, de bien vouloir se présenter avant toute chose ? Les uns se sentent offensés de ne pas savoir à qui ils parlent, les autres se sentent attaqués par cette remarque qui pourrait sous-entendre un manque de politesse de leur part. Tout devient un peu plus raide dans les échanges. Sans jamais être impolis, ils trahissent cette tension que l’on devine chargée d’émotions qui ne se disent pas.

Après quelques échanges de plus, tentative d’intervention en levant la main tout en regardant le Bourgmestre présumé être, malgré son silence, le maître de cérémonie.
« Madame d’Inter-Environnement Wallonie voudrait intervenir ». Les participants à la rencontre ne s’arrêtent pas pour autant de discuter. Le Bourgmestre se lève alors pour allumer les lampes et s’arrête près de moi pour me chuchoter : « Vous voyez, j’essaie, mais y a rien à faire avec eux ! ». Je ne relève pas et, surtout, je ne lui demande pas de préciser s’il parle des riverains ou des gens du circuit. Lorsque je prends enfin la parole, c’est simplement pour préciser que « L’étude montre des dépassements réguliers avérés (ouille, je suis reprise sur les termes « avérés » et « réguliers » par le ban du circuit) et propose trois solutions pour diminuer l’impact des nuisances sonores sur les riverains. J’aimerais entendre l’avis de la commune sur ces propositions de solutions.»

Le bourgmestre s’adressera ensuite directement aux riverains pour leur dire : « Cette étude vous nous l’avez imposée par la Région Wallonne et donc elle y retourne. Et on attend ce que la région wallonne va dire. On n’était pas obligé de vous présenter l’étude, on vous a laissé vous exprimer ». Une réponse qui révèle le niveau d’ouverture et de disposition à la négociation de la part de la commune.

Nous aurions trouvé plus constructive une réponse du style : « En effet, il y a des dépassements, j’aimerais trouver une solution qui permette au circuit et aux riverains de vivre côte à côte et sans nuisances sonores. J’informe la Région wallonne et nous mettons les solutions proposées à l’étude. Nous communiquerons régulièrement avec toutes les parties pour donner des nouvelles.» Avec une réponse de cet acabit – suivie d’actes, sinon c’est bidon – tout le monde aurait été content, reconnu et une relation entre les parties aurait pu se maintenir.

Au contraire, cette réunion a ajouté de la frustration et du déni à de la souffrance. Les riverains attendaient cette étude depuis longtemps, ils avaient dû demander l’intervention de la Région wallonne parce qu’ils ne se sentaient pas entendus par la commune.

Parfois, lorsqu’on se rigidifie dans une posture il semble compliqué d’en sortir. Il apparaît parfois plus simple pour certains, de laisser « pisser le mérinos » en se disant que les opposants vont se lasser et se taire. Et c’est le cas ! Quelques-uns finissent par baisser les bras, se taire, voire déménager parce qu’il est impossible de se battre sans fin et sans résultat. Et quand cela arrive, cela en dit toujours plus long sur les capacités de gestion et de concertation des autorités que sur les capacités de résistances mentales des citoyens.
Reconnaître les nuisances pour les uns implique-t-il nécessairement de disqualifier les activités des autres ? Un bourgmestre ne peut-il être au-dessus de la mêlée et veiller, en bon père de famille, au bien-être de ses concitoyens, et faire rimer développement économique avec préservation de l’environnement, de la santé et du bien-être ?

L’étude a été présentée aux riverains, à l’initiative du Bourgmestre. Avant d’y participer, tout cela donnait l’impression de bonne volonté et de concertation. Il n’en a pourtant rien été. Il ne reste plus, pour le moment, qu’à voir ce que la Région wallonne proposera suite aux résultats de cette étude.

Voici l’étude.

Véronique Hollander

Fédération, Education permanente