Politique de la ville : commencerait-on à y voir plus clair ?

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Politique des Grandes Villes, politique de la ville, rénovation urbaine, revitalisation urbaine, Plan de Développement Urbain… il est très difficile depuis quelques années d’y voir clair sur la vision wallonne de ce que seront nos villes de demain. La Ministre Valérie De Bue, en charge de la compétence depuis quelques mois, semble partager ce constat, elle dont la note d’orientation politique 2018 a le mérite de démêler la situation, même si on reste sur sa faim quant aux moyens qui sont dédiés aux villes.

Une politique des grandes villes constante

Depuis 2015, la région a hérité d’une partie de la Politique des Grandes Villes qui concernait à l’époque 5 villes wallonnes. Le gouvernement précédent a alors décidé d’augmenter le budget de 5 millions, portant ainsi à 13 millions le montant alloué à la Politique des Grandes Villes. Dans le même temps, deux villes supplémentaires ont bénéficié de cette aide. En résumé, la Politique des Grandes Villes, c’est un budget de 13 millions annuels que se partagent Liège, Verviers, Seraing, Charleroi, La Louvière, Mouscron et Mons. Alors que le Ministre précédent espérait une augmentation supplémentaire de 5 millions d’ici la fin de la législature, la note d’orientation politique de la Ministre De Bue n’annonce rien de tel.

Politique de la ville et Plan de Développement Urbain : on voit enfin où on va

Dans sa note sur « une Politique Wallonne de la Ville » de 2015, le précédent Gouvernement présentait sa stratégie pour redynamiser les villes wallonnes. Enfin, certaines villes wallonnes. En effet, seules les 12 villes bénéficiant des fonds FEDER, pourraient prétendre aux subsides spécifiques à la politique de la ville. Pour ce faire, elles devraient réaliser un document stratégique à long terme comprenant notamment des actions et des projets à réaliser dans les six ans, le Plan de Développement Urbain (PDU). Cet outil était bien entendu disponible pour les autres villes mais l’investissement dans la réalisation de celui-ci ne donnerait lieu à aucune aide financière. Par ailleurs, en creusant un peu dans les budgets, il est très vite apparu que ces subsides liés à la réalisation des PDU n’existaient pas. Par ailleurs, leur contenu n’était toujours pas connu, seul un Cadre Stratégique pour la politique de la ville en Wallonie reprenait des axes de développement prioritaire et 14 objectifs dont les PDU de chaque ville devraient s’inspirer.

La note d’orientation politique de la Ministre De Bue clarifie enfin les choses. Dans un premier temps (le temps d’obtenir des moyens supplémentaires ?), ce sont les 7 villes concernées par la Politique des Grandes Villes qui devront réaliser ce PDU dont le contenu sera défini cette année. Les autres villes qui auront besoin de soutien financier pour leur redéploiement devront se rabattre sur les outils existants telles que les opérations de rénovation urbaine ou de revitalisation urbaine.

Rénovation urbaine et revitalisation urbaine : des outils toujours sous financés

Lors des différentes auditions, la Ministre a reconnu que ces deux dispositifs souffraient toujours d’un manque de moyens adéquats. En 2018, il s’agira donc d’être plus efficace avec des moyens constants. Peut-être l’occasion de revoir ces deux outils.

Tout d’abord, IEW estime primordial que ces subsides puissent également financer des projets « non matériels », comme c’est le cas à Bruxelles avec les contrats de quartier. Nous ne pouvons résumer la rénovation d’un quartier à une série de projets et d’interventions physiques. Le développement social, culturel, et même économique d’un quartier se fait avec les acteurs locaux. Il importe de valoriser les initiatives locales, d’associer les acteurs à la gestion et à l’animation des projets. Cela donnerait un vrai sens à la participation dans la rénovation des quartiers, laquelle est actuellement figée dans la constitution d’une Commission communale de rénovation urbaine.

Par ailleurs, les procédures liées à ces dispositifs sont, selon la Fédération, archaïques et dépassées. Les démarches commencent avec un diagnostic extrêmement lourd et ce n’est qu’en toute fin de procédure qu’on commence à se pencher sur les projets. Or, dans les processus actuels que l’on rencontre dans d’autres types d’outils, dans d’autres régions ou d’autres pays, on travaille beaucoup plus sur des outils qui permettent des « aller-retours » entre diagnostic et projet. On identifie ainsi des objectifs globaux qui permettent d’avancer très vite sur des pistes de projets. Ceux-ci permettent alors d’affiner le diagnostic et d’approfondir les éléments vraiment pertinents. Ensuite, sur cette base, on retravaille les projets et ainsi de suite… Cette pratique, beaucoup moins linéaire, permet aussi d’éviter un gaspillage de temps et d’énergie dans la réalisation d’un diagnostic lourd avec la production d’un nombre considérable d’éléments qui, in fine, ne déboucheront sur aucun projet car ils seront devenus non pertinents et/ou inutiles.

Enfin, en l’état, une vision spatialisée et cohérente avec le reste de la ville fait défaut. La méthodologie actuelle passe d’un diagnostic très lourd à des fiches projets, le tout uniquement sur le quartier concerné. Même s’il faut reconnaître que certains auteurs prennent systématiquement le pli de prendre davantage de hauteur, ce n’est pas encore le cas de tous. Pourquoi ne pas généraliser cette manière plus macro d’appréhender le développement des quartiers en conditionnant par exemple l’octroi des subsides liés à ces outils à la réalisation d’un PDU ?

A quand une véritable politique de la ville en Wallonie ?

Alors que les budgets stagnent et qu’on ne voit pas de solution pour résorber l’encours astronomique de certains subsides, le manque de volonté du gouvernement actuel d’avancer plus franchement sur cette matière laisse perplexe. D’autant plus lorsqu’on voit apparaître au budget 2018 deux nouveaux articles budgétaires concernant notamment les quartiers nouveaux. C’est plus d’un million qui est prévu pour des « subsides en matière d’aménagement du territoire, en ce compris en lien avec les quartiers nouveaux », dans le portefeuille du Ministre Di Antonio. Il s’agit plus précisément de financer un accompagnement spécifique des projets retenus via la mise à disposition des communes d’une équipe d’experts pluridisciplinaires. Entre une politique de la ville qui tarde à sortir du bois et de nouveaux budgets destinés à soutenir la construction de nouveaux quartiers, quel signal doit-on voir dans les choix du gouvernement? Comment peut-on encourager à l’heure actuelle le développement de quartiers nouveaux sur des terrains non urbanisés de plusieurs hectares (minimum 15 ha pour pouvoir rentrer dans l’appel à projets « Quartiers nouveaux ») alors que des quartiers de ville sont toujours laissés à l’abandon ?

Pour rappel, la Fédération plaide pour que la priorité soit donnée à la rénovation et à la revitalisation de l’existant : incitants fiscaux à la rénovation (qui ne doivent rester plus avantageux qu’en cas de construction), assainissement de friches urbaines, reconversion d’anciens sites industriels.

Au vu du défi démographique qui attend la Wallonie, si nous voulons préserver les terres encore non artificialisées, il est urgent de mettre en œuvre une politique de la ville digne de ce nom en densifiant les noyaux, urbains ou ruraux, existant tout en maintenant un cadre de vie sain, durable et sûr. Ce dernier postulat suppose des subsides importants et une volonté politique forte portée par l’ensemble du Gouvernement. Face à la pression croissante de l’urbanisation sur les terres agricoles et forestières, et sur la nature plus généralement, nous ne pouvons plus faire l’économie d’un tel investissement.

Audrey Mathieu

Aménagement du territoire & Urbanisme